Analysons un peu le modèle générique que j’ai proposé à la partie I.
P1 - an ni sɔgɔma
P2 - hɛɛrɛ sira wa?
P1- hɛɛrɛ
P2- somɔgɔ do?
P1- ow ka kɛnɛ
P2- dɛmiseɛnw do?
P1- ow ka kɛnɛ
Dans ce modèle, on observe bien que P1 utilise des phrases affirmatives ou exclamatives alors que P2 utilise plutôt des phrases interrogatives. Cela démontre bien que P1 et P2 ne jouent pas les mêmes rôles dans la séquence de salutations. Dans cette séquence, P2 est relativement la personne de statut supérieur tandis que P1 est l’individu de statut inférieur.
Etre le premier à poser les questions est perçu comme un privilège et un droit tandis que répondre aux questions est plutôt perçu comme un devoir. Donc, les salutations en elles mêmes reflètent les statuts relatifs des interlocuteurs concernés. Comment est-ce que le statut est déterminé?
Pour des individus qui se connaissent assez bien, ces derniers connaissent déjà leurs statuts relatifs. En s’engageant dans les salutations, donc, ils vont de façon inconsciente embrasser leurs statuts respectifs. La personne de statut supérieur posera d’abord les questions et la personne de statut inférieur répondra d’abord à ces questions avant de procéder elle aussi à poser ses questions.
Par exemple, en échangeant des salutations avec votre père, vous n’allez pas être le premier à lui poser des questions. Si vous le faites, cela est un signe que vous avez un statut relatif supérieur, un statut qui est accepté par vous deux. Cet exemple pourrait être généralisé à toute personne que vous fréquentez de façon quotidienne.
L’élément génial de cette observation est que ces accommodations s’opèrent de façon inconsciente. Personne ne pense vraiment qu’il peut se rabaisser ou s’imposer à travers la manière de saluer quelqu’un d’autre, mais c’est ce qui passe en réalité.
Il faut par ailleurs noter que le statut social, l’âge, le contexte, et la familiarité sont des paramètres qui définissent la personne de statut supérieur. Néanmoins, tout cela dépendra des valeurs qu'incarnent les interlocuteurs en question.
Pour un individu qui a beaucoup de respect pour les aînés, ce dernier s’accaparera du statut inférieur quelque soit le contexte, son statut socio-économique, ou liens de familiarité qui existent entre lui et l’aîné. Et cela se manifestera dans le langage de la salutation de façon inconsciente.
Aussi, un individu qui veut une faveur de vous, de façon inconsciente, s’accaparera du statut inférieur sans se soucier de son âge, de son statut socio-économique, ou des liens de familiarité qui existent entre vous. Cela se manifestera également dans le langage de la salutation. Dans ce cas, cependant, beaucoup remarqueront que la personne se comporte de façon étrange sans vraiment savoir comment. Et par suite, ils se rendront compte que la personne veut solliciter une faveur.
Pour éviter d’être solliciter une faveur, cependant, certains individus s’accapareront du statut inférieur pour éviter que l’autre le fasse le premier. Quand cela s’avère le cas, la personne qui voulait en premier lieu demander la faveur se retrouve dans une position ambiguë sans savoir pourquoi et est obligée de reporter la demande de faveur.
Pour des rencontres qui impliquent des individus qui ne se connaissent pas bien, les salutations servent toujours à créer soit la familiarité ou la distance interpersonnelle. Quand deux individus ne se connaissent pas bien, la tendance est de maintenir la distance interpersonnelle. Cela se manifestera par des hésitations car aucun d' eux ne voudra prendre le statut relatif supérieur à travers les salutations. Quand l’un des individus décide néanmoins de prendre le statut supérieur sans aucune gêne, cela traduirait son désir de vouloir mieux connaitre l’autre ou de vouloir lui imposer sa supériorité.
Vous pouvez bien sur imaginez d’autres scénarios où le statut est négociée et établi à travers les salutations. Les cas de figures ci-dessus sont quelques exemples qui servent à illustrer cette règle.
Quand bien-même on dirait que les yeux sont les fenêtre de l’âme, la parole aussi en est une. Il suffit d’être attentif et vous verrez plus loin que les yeux ne peuvent voir.
Règle III: A travers les salutations en Jula, les statuts relatifs des interlocuteurs sont négociés et établis. Conséquemment, une observation critique des salutations en Jula permet de déceler les statuts relatifs des interlocuteurs.
Merci de me lire. Ceci est juste une réflexion. Posez vos questions si vous en avez et on pourra tous contribuer à l’établissement de la connaissance.